Sorti lors de la rentrée littéraire 2024 aux éditions JC Lattès, Madelaine avant l’aube de Sandrine Collette a été accueilli avec une certaine discrétion dans les médias, tant il a été éclipsé par des titres plus médiatisés et soutenus par de plus grandes maisons d’édition. Pourtant, dès les premières critiques, le roman a séduit son lectorat par son écriture poétique et son récit poignant, ancré dans un arrière-pays précaire et intemporel. Les premiers retours des libraires ont salué l’intensité de cette histoire de survie et de résilience, plaçant l’œuvre parmi les recommandations discrètes mais prometteuses. « Loin du roman de terroir, Sandrine Collette nous offre un conte terrien universel, où son art littéraire permet toutes les incarnations et les coups de théâtre. » (La Vie, n° 4121 – 22 août 2024)
Une reconnaissance inattendue
La nomination de Madelaine avant l’aube au Prix Goncourt a marqué un tournant. Bien que le roman ait été désigné comme un outsider face à des favoris comme Kamel Daoud et Gaël Faye, le roman a réussi à attirer l’attention, notamment grâce à son authenticité et à sa profondeur narrative. Les médias ont alors commencé à mentionner Sandrine Collette, mais sa couverture restait moindre par rapport à celle des grandes figures littéraires de la compétition.
Il a fallu attendre que le roman atteigne les finales du Goncourt pour que des médias s’intéressent véritablement à l’autrice et son œuvre, et pour que soient rédigés des articles plus conséquents à son égard. Nous pouvons lire des passages tels que celui-ci : « Et l’écriture de Sandrine Collette, simple, vivante, incarnant au plus près ces existences, passant d’un être à l’autre avec une grande vérité, dans le décor âpre d’une nature impitoyable. » (France Bleu (site web réf.) – 3 novembre 2024)
Malgré cela — et sans surprise — Madelaine avant l’aube n’a pas su convaincre le jury du Goncourt, qui semblait déjà bien conquis par le roman de Kamel Daoud.
Lauréat du Goncourt des Lycéens et du Goncourt des Détenus
Cependant, une défaite ne signifie pas que tout est perdu pour autant. Et effectivement, cela n’a pas empêché Sandrine Colette de se démarquer, malgré une baisse d’intérêt médiatique temporaire, au profit du grand lauréat. Dans les jours qui ont suivi, Sandrine Collette a remporté le Prix Goncourt des Lycéens. Avec cette victoire, il semblerait que la popularité de l’autrice ait été revue à la hausse. Décerné par un jury de jeunes lecteurs, ce prix a offert au roman une reconnaissance populaire, authentique, qui a renforcé son impact médiatique et ses ventes – qui ont été multipliées par quatre dans les jours qui ont suivi la remise du prix, passant de 20 000 ventes à 70 000. Cette distinction, qui échappe aux logiques éditoriales des grands prix, a permis à l’œuvre de toucher un public plus diversifié, bien éloigné des cercles littéraires élitistes.
« Quelle aventure ! Ça doit être une des rares fois où les mots me manquent, je pense que j’ai le cœur qui bat un peu trop vite […] Infiniment merci ! » (Sandrine Collette, Les Échos – jeudi 28 novembre 2024)
En parallèle, Madelaine avant l’aube a continué de séduire, et a permis à son autrice de remporter le Goncourt des Détenus. Cette distinction détient une signification particulière, car elle reflète une reconnaissance unique, émanant d’un jury composé de lecteurs souvent éloignés des cercles littéraires traditionnels, et plus généralement de la société. Ce prix offre une visibilité singulière à l’œuvre, en soulignant son pouvoir, celui de transcender les frontières sociales et de toucher le cœur du public, aussi varié soit-il. Il témoigne également de la capacité de la littérature à créer un lien, à susciter des émotions profondes et à ouvrir le dialogue dans des contextes inattendus.
Finalement, ce roman qui échappe aux cadres traditionnels de la littérature blanche prouve qu’une œuvre brute et engagée peut s’imposer dans un paysage littéraire souvent dominé par des stratégies éditoriales et médiatique. Et le parcours haut en couleurs de Madelaine avant l’aube lors de cette rentrée littéraire souligne bien l’importance de donner une voix aux récits qui sortent des sentiers battus, et qui dénoncent l’ordre établi et ses abus de pouvoir.