Si la voie écrite et les articles de presse furent particulièrement décevants à propos de Suite inoubliable, une piste très intéressante se trouve dans les échanges avec l’auteur. Akira Mizubayashi s’est en effet révélé dans ce mode d’expression, dans l’échange, la rencontre.
D’abord, les échanges très longs témoignent de l’intérêt porté à la personne même de l’auteur, et à ses propos : c’est dans ce format que l’auteur peut s’exprimer et ils atteignent des durées conséquentes (une à deux heures). C’est une manifestation du respect qui lui est accordé ainsi qu’à son œuvre.
Ensuite, les sujets abordés succinctement à l’écrit ou dans de courts podcasts sont mis à l’honneur dans ces interventions puisque le temps est donné pour les développer. De fait, chaque podcast ou chaque vidéo rassemble plusieurs thèmes pour lesquels plusieurs minutes ou plusieurs dizaines de minutes sont accordées. Cela serait à comparer à plusieurs pages ou plusieurs dizaines de pages universitaires, ce qui n’a jamais été produit pour Suite inoubliable. Ces vidéos et podcasts sont donc un effort extraordinaire d’accessibilité à des études qui freineraient des lecteurs non aguerris. Cela n’est pas sans lien avec la mode des podcasts que l’on trouve sur toutes les plateformes pour rendre accessibles l’histoire, la philosophie, les mathématiques et toutes sortes de connaissances.
Les pistes d’analyses sont en effet très nombreuses et fournies sur les sujets suivants :
- La musique détient une valeur universelle qui relie les hommes par-delà les lieux et les époques. Le violoncelle représente cet art, incarne physiquement la création non palpable.
- Lors XVIIIe siècle, l’essor du quatuor à cordes incarne un rapport dialectique contemporain de ces créations artistiques, entre soi et autrui. Ce qu’on fait se réalise avec le concours des autres, mais avec une écoute nécessaire de soi-même et de sa solitude.
- La guerre est une violence que n’accepte pas Akira Mizubayashi : son combat pour la paix est la transcendance qu’il recherche, grâce aux différentes formes de connaissances, théoriques ou artistiques. Il est important en effet de s’élever au-dessus des frontières qui divisent l’humanité, en tendant vers ce qui est universel.
- Son roman est une voix prêtée aux « fantômes » ou aux « ombres », ces personnes dont les vies ont été brisées par la violence de la guerre, dont la voix s’est perdue.
- La construction de son roman suit la construction d’une suite musicale, notamment des suites pour violoncelle de Bach. Trouvez mon étude à ce propos sur cette page.
- Les inspirations d’Akira Mizubayashi sont nombreuses : l’histoire générale, l’histoire de sa famille, certains musiciens pour ses personnages, le mythe d’Orphée…
De cette manière, cet échange d’humain à humain suggère une interaction plus profonde. Les lecteurs ne se sentent pas éloignés de l’auteur. D’ailleurs, ces conversations sont parfois en présence d’un public, pour donner suite à un temps de dédicaces. Les lecteurs peuvent donc poser des questions qu’eux-mêmes trouvent pertinentes, comme dans « Fil de MémoireS » animé par Jeanne Orient à la librairie Gallimard (Paris 7).
En outre, ces podcasts et vidéos sont l’occasion d’illustrer le roman d’Akira Mizubayashi. Dans tous les podcasts entendus, les interventions sont rythmées par des enregistrements ou des performances en direct de musiciens. Selon le cas, ces interludes musicaux peuvent être les références exactes aux interprétations que choisit Akira Mizubayashi pour structurer son roman. Par exemple, dans « La musique des fantômes » de la Matinale sur France Musique, le fil conducteur musical est composé par exemple des pièces suivantes : prélude de la première suite de Bach interprété par Pablo Casals en 1938 à Paris ; puis le premier mouvement du divertissement pour violon, alto et violoncelle de Mozart, interprété par Grumiaux Trio pendant la lecture d’un extrait par Akira Mizubayashi. D’autres pièces composent un diaporama sonore et sont exactement les inspirations de l’auteur pour différentes publications.
La réception de l’œuvre, plutôt favorable, s’est particulièrement développée grâce à ce biais, plus que par les articles de presse, dont l’abondance n’a d’égale que leur superficialité.