En France, les prix littéraires ont une importance capitale, autant pour les auteurs que pour les maisons d’édition. Il existe plus de deux mille récompenses, mais seulement deux cents ont une portée nationale. Le principe permet une reconnaissance littéraire des nouveautés, car les prix sont en majorité distribués pour clore la rentrée littéraire. Cependant, le monde des prix littéraires est clivant, et beaucoup trouvent à critiquer le fonctionnement de cet univers.
Dans la presse, nombre de journalistes reconnus permettent aux auteurs de se frayer un chemin vers la célébrité. Les auteurs font appel aux différents supports médiatiques dans l’optique de gagner en popularité. Les journalistes et les membres des grandes maisons d’édition sont indispensables, puisque ce sont eux, en grande partie, qui forment les jurys. Il est essentiel de passer par la sphère journalistique pour se faire un nom dans le monde du livre.
Outre la forte présence journalistique dans les prix littéraires, la composition du jury semble fermée. Pour le prix Goncourt par exemple, un juré accède à sa place seulement par la démission ou la mort de son prédécesseur et cet accès prestigieux ne s’obtient que par le vote à l’unanimité des autres jurés. Ces micro-milieux sont critiqués pour la prévisibilité de leurs goûts littéraires. Entre copinage et alliances, les jurés sont souvent rattachés à des maisons d’édition spécifiques, soit parce qu’ils y publient eux-mêmes, soit parce qu’ils y travaillent.
Un écueil des prix littéraires rejoint la standardisation des œuvres. Les modes et l’accès généralisé à la culture favorisent l’unification de la production littéraire : la sélection des livres qui se distinguent est compliquée. Selon Olivier Bessard-Banquy, deux logiques aboutissent au même résultat : d’une part la logique académique, d’autre part la logique médiatique. Dans les deux cas, l’uniformisation favorise une littérature de masse, ce qu’Internet encourage. De fait, les prix obéissent à certains critères : Michel Houellebecq remporte en 2010 le prix Goncourt, avec son livre La carte des territoires, qu’il a rédigé en vue de cette récompense, selon un schéma qui a prouvé son efficacité.
En matière de récompenses, le trio Galligrasseuil est indétrônable : sur les vingt dernières années, Gallimard, Grasset et Seuil ont raflé plus de la moitié des prix les plus connus. Les petites maisons d’édition quant à elles remportent souvent des prix moins prestigieux. En effet, ces derniers sont généralement attribués à des maisons possédant une certaine assise dans la sphère littéraire. Le nombre de prix obtenus par les grandes maisons s’explique par leur qualité éditoriale mais aussi par leur rendement ; car plus elles publient de titres, plus elles ont de chances de remporter des récompenses.
L’obtention d’un prix littéraire (en particulier le Goncourt) étant l’assurance d’un succès en librairie, les maisons doivent être prévoyantes et s’assurer que suffisamment d’exemplaires alimentent le marché et répondent à la demande des lecteurs. Mais si les grandes maisons possèdent la trésorerie nécessaire pour réimprimer les ouvrages finalistes, ce n’est pas le cas des petites maisons qui n’ont souvent pas les fonds suffisants pour imprimer en telle quantité. Leur succès est donc plus mitigé.
En définitive, si les prix littéraires sont un phénomène de grande ampleur dans le paysage littéraire français, leurs rouages sont souvent bien huilés, leurs coulisses sont à dévoiler, et leur légitimité est à questionner…