Ils étaient des dizaines à attendre devant la porte du Centre des Congrès d’Angers, ce samedi à 10h, pour espérer obtenir une dédicace des auteurs et dessinateurs présents à la vingt-troisième édition du festival de bande-dessinée d’Angers.
Si certains auteurs n’ont pas pu être présents en raison de la grève SNCF, le festival peut malgré tout compter sur de nombreuses têtes d’affiches : Didier Crisse, Guénaël Grabovski – qui a dû venir en BlaBlaCar suite à l’annulation de son train ! -, Richard Guérineau ou encore Sébastien Grenier. Mais la star du week-end, c’est sans aucun doute Achdé, dessinateur de Lucky Luke, qui a réalisé l’affiche du festival. C’est en effet une des spécificités d’Angers BD : chaque année, une illustration est réalisée pour la promotion par un des auteurs invités. Une seule nécessité : le château de la ville doit y figurer. Si certains y voient une occasion de sortir de leurs dessins habituels, à l’image de Virginie Augustin qui, lors de la dernière édition, s’était inspirée de la Tapisserie de l’Apocalypse pour réaliser son affiche, d’autres, à l’image d’Achdé, préfèrent inscrire leur héros dans le décor angevin. Cette année, Lucky Luke, toujours sur le dos de son fidèle Jolly Jumper, a donc quitté son Far West pour partir à l’assaut du château des ducs d’Anjou.
Nous avons eu la chance de rencontrer entre deux dédicaces Loïc Jombart, dessinateur et graphiste du festival, mais également ancien étudiant de l’université d’Angers. Ce dernier est chargé de réaliser la composition de l’affiche d’après le dessin de l’auteur – choix de la typographie, de la position du texte, etc. En plus de l’affiche, il s’occupe aussi de l’élaboration des étiquettes de vin réalisées par les auteurs. En effet, une autre particularité du festival est que chaque auteur se voit offrir la possibilité de dessiner une étiquette qui sera apposée sur les bouteilles de viticulteurs, liquoristes, brasseurs locaux et partenaires, pour être ensuite vendue lors du week-end. Cette année, vous pouviez ainsi acheter une bouteille du vin « Petit Pincé » du domaine de Balut ornée fruit du travail de Guénaël Grabovski, ou encore une bouteille de la bière blonde « La Piautre » sur laquelle figure Cinq-Avril, le héros de la bande-dessinée éponyme dessinée par Noé Monin. Loïc Jombart, également dessinateur, a également réalisé une de ces étiquettes. Un programme donc bien chargé pour celui qui a également réalisé le dossier de presse, le graphisme des gobelets et les récompenses données aux différents auteurs honorés d’une exposition ou d’une récompense lors de cette édition.
En effet, chaque année, le festival récompense un auteur dont c’est le premier album. Pour cette édition, le lauréat du prix Première Bulle est Maïlis Colombie pour Les Songes du roi griffu, publié par Delcourt. Depuis 2017, un second prix a également fait son apparition : le prix des bibliothécaires du Département de Maine-et-Loire, qui récompense à chaque édition un album pour adulte et un album pour la jeunesse. Cette année, ce sont Dominique Bertail et Jean-David Morvan qui ont reçu le prix pour Madeleine résistante, parue chez Aire Libre, ainsi que Adeline Avril pour sa bande-dessinée jeunesse Calamity Jane.
Les auteurs et dessinateurs ne manquaient donc pas cette année, et ravissaient à la fois petits et grands. En effet, le public y est assez familial. Le rez-de-chaussée est ainsi majoritairement consacré à la bande-dessinée jeunesse et familiale. On retrouve ainsi plusieurs stands de maisons d’édition, parmi lesquels des éditeurs de la maison nantaise « Petit à Petit », spécialisée dans le docu-BD. Ces derniers, qui participent pour la deuxième fois au festival, y voient l’opportunité de se faire connaître auprès d’un plus large public. Les auteurs de la bande-dessinée Angers, qui retrace l’histoire de la ville en deux tomes, étaient présents en dédicace. Comme on nous l’a indiqué sur ce stand, la présence des auteurs peut ainsi être un déclencheur d’achat auprès d’un public qui ne connaissait pas forcément ces albums.
À l’étage inférieur, le public était adulte et plus connaisseur. Les plus téméraires, munis de leur chaise de camping, étaient prêts à attendre plusieurs heures pour obtenir une dédicace de leur dessinateur favori. Pour les simples curieux, il y avait également beaucoup à faire, entre les conférences, les remises de prix et les expositions. Cette année, les festivaliers pouvaient se plonger dans l’univers du Nautilus, de Lucky Luke et des Petits Mythos en déambulant parmi les planches composées respectivement par Guénaël Grabovski, Achdé et Philippe Larbier.
Cette édition a donc été, une nouvelle fois, un véritable succès, en accueillant des visiteurs jeunes et moins jeunes, connaisseurs de la bande-dessinée ou simples amateurs. Le président de l’association d’Angers BD, Jean Esnault, en est heureux mais ne veut pas s’arrêter là. Même s’il n’est en tête de file que depuis deux ans, le jeune bénévole se dévoue entièrement à faire grandir ce festival.
“On fait comme on peut !” avait-il répondu à notre question concernant l’adaptabilité du week-end face aux grèves de la SNCF. Il nous a confié que ces imprévus, bien qu’ils nécessitent une grande flexibilité de l’équipe, le stimulent énormément. L’unique bémol que ces changements présentent réellement sont les pertes économiques qu’ils engrangent, ce qui ne ne va pas dans le sens du développement du festival. Malgré tout, l’association réussit chaque année depuis 23 ans à faire venir entre 40 et 50 auteurs différents et se permet de se vanter de leur accueil. Tous sont heureux de venir car ils savent qu’ils seront bien reçus, que l’ambiance sera chaleureuse et que l’accès au festival sera simple. Mais la chose qui permet à l’événement de réellement se démarquer, ce sont les bouteilles de vin aux étiquettes conçues par les artistes invités. Cette idée unique est suivie d’année en année pour allier ces deux milieux qui n’ont normalement rien en commun mais aussi pour mettre en avant le côté local du festival, qui tient particulièrement au cœur du président.
Cela dit, Jean Esnault voit les choses avec beaucoup plus d’ambition. À l’avenir, le responsable aimerait pouvoir faire venir des mangaka (au moins français) n’en déplaise aux sceptiques du genre. Mais au-delà des invités et de l’événement, il voudrait étendre la portée de l’association ; que ce soit par le biais de nouveaux partenaires de travail (bénévoles et sponsors), mais aussi en organisant d’autres événements au fil de l’année comme des expositions. La finalité étant de pouvoir toucher davantage de monde avec la bande dessinée, au-delà des frontières.
Nous ne pouvons donc que vous conseiller de vous rendre au festival de l’année prochaine. Mais en attendant, pourquoi ne pas vous rendre à la Journée des éditeurs, le 31 janvier prochain, organisée par tous les étudiants du Master 2 et qui portera sur le thème « Bande-dessinée et manga » ?