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Perspective(s): un roman complexe mais qui plaît

De retour en librairie pour cette rentrée littéraire 2023, Laurent Binet propose un polar historique et épistolaire qui peut en effrayer plus d’un.

Des sujets percutants

Laurent Binet maîtrise son sujet : les termes picturaux, artistiques et l’histoire de l’Italie en pleine Renaissance. Après avoir sillonné la Toscane, il décide d’écrire ce septième roman, en continuité de Civilizations qui aborde également la Renaissance mais de façon inversée : les Européens ne découvrent plus le Nouveau Monde. Mais l’art n’est pas le sujet central de Perspective(s). Nous suivons différents points de vue et différentes conditions de vie en fonction des personnages. À travers le personnage de Maria de Médicis, nous comprenons que la situation de la femme à cette époque est précaire. Elle n’occupe qu’un rôle stratégique dans l’accession de son père au pouvoir. Nous avons également des références à la vie de Catherine de Médicis qui a été vendue à François Ier pour asseoir la puissance de la famille florentine. Les revendications des ouvriers prennent également une place centrale dans ce roman puisque Cosimo de Médicis cherche à étouffer la révolution des artisans qui réclament de meilleures conditions de vie.
Ainsi, ce roman ne traite pas exclusivement le suivi d’une enquête policière mais se concentre, par ce biais, sur des sujets bien plus profonds, qui étaient actuels il y a cinq cents ans mais qui peuvent encore faire écho à notre quotidien, aujourd’hui.

Perspective(s), un roman historique vraisemblable ?

Dans son nouveau roman Perspective(s), Laurent Binet nous propose une peinture policière qui se déroule dans l’Italie du XVIe siècle. L’artiste Jacopo Pontormo est retrouvé mort au pied de sa fresque. À travers les lettres des vingt correspondants, nous suivons les avancées de l’enquête menée par le bras droit  du duc de Florence. Tous les pans de la société sont représentés et une très grande partie des protagonistes a existé : le contexte historique est réel. Cependant, bien que Pontormo ait réellement vécu et soit mort, comme dans le roman, le 1er janvier 1557, il n’a pas été assassiné. Comme l’explique Laurent Binet dans une interview sur France24, il est parti d’un cadre réel et y a inséré une anecdote : le meurtre de Pontormo.

Bien que le sujet et le contexte soient réalistes, le discours l’est beaucoup moins. En effet, tous les correspondants s’expriment de la même manière. Cela donne une certaine unité au texte et le rend plus facile à lire puisque le ton ne change pas. Cependant, lorsque le mélangeur de couleurs emploie les mêmes formulations, les mêmes constructions et tournures de phrases que la reine de France, Catherine de Médicis, les lettres paraissent nettement moins réalistes.

Trop de correspondants ?

Nous pouvons toutefois nous demander si le nombre de correspondants ne perd pas simplement le lecteur. Bien que chaque expéditeur et chaque destinataire soient indiqués au début des lettres, il faut remettre chaque nom à la bonne place, dans la bonne situation. Lors d’une interview, il a été demandé à Laurent Binet pourquoi il avait introduit autant de personnages dans ce qui devait être un « simple polar ». Sa réponse est simple : il trouve gratifiant de fournir des efforts dans le plaisir de lecture. Donc, il a décidé de transformer ce roman policier en une réadaptations des Liaisons Dangereuses de Laclos, avec plus de 170 lettres et une vingtaine de correspondants. Selon lui, son livre ne devrait être que plus agréable à lire grâce aux efforts engagés pour le comprendre… C’est une question qui reste à discuter. La lecture est pour beaucoup un moment de détente où l’effort n’est pas admis…

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par Julie Bertin