La ville du Havre, vue de la plage. Crédits photo : Pixabay

Se laisser emporter par le ressac de Maylis de Kerangal

Bien longtemps après l’avoir quitté, une quarantenaire retourne au Havre suite à une enquête policière, qui viendra bousculer la somme de ses souvenirs. Découvrez Jour de ressac, le nouveau roman de Maylis de Kerangal, paru aux Éditions Verticales.

 

Un après-midi de novembre, la narratrice reçoit un appel du commissariat du Havre : « Nous aimerions vous entendre dans le cadre d’une affaire vous concernant […] le corps d’un homme a été retrouvé il y a deux jours sur la voie publique. ». Plus exactement sur la plage de la digue nord, et dans sa poche, écrit sur un ticket de cinéma, le numéro de téléphone de la narratrice. Qui est cet homme ? Que peut-elle bien avoir en commun avec lui ? Si ce n’est cette ville … Le Havre.

 

Un style d’écriture au service du récit

Ainsi s’ouvre Jour de ressac, le dernier roman de Maylis de Kerangal. Pour la narratrice de ce récit, cet appel est comme une vague qui vient la submerger, dans un premier temps, puis qui lui ramène des souvenirs, par bribes, dans le désordre, dans un second temps. Cette scène introduit le mouvement de ressac – terme que le dictionnaire Le Robert définit comme un retour brutal des vagues sur elles-mêmes, lorsqu’elles ont frappé un obstacle – et que le lecteur ressent page après page, pris par le style d’écriture de Maylis de Kerangal. Comme elle avait déjà pu le faire avec Réparer les vivants, son immense succès de 2014, où elle réglait la lecture de son roman sur le battement d’un cœur, l’autrice arrive de nouveau à unir le rythme et le récit. Or, s’il est un élément nouveau que l’on n’avait encore que très peu rencontré dans l’écriture de Maylis de Kerangal, c’est bien le recours à la narration à la première personne. S’il est vrai que l’autrice s’est « souvent cachée dans ses romans », comme elle l’avoue volontiers, elle laisse transparaître dans cette fiction une plus grande part d’elle-même.

 

Le Havre, comme personnage central

Pour ce roman aux accents personnels, qui nécessitait la narration à la première personne, un lieu s’est imposé à Maylis de Kerangal : Le Havre. Plus qu’un décor à ce récit qui se cache derrière des allures de roman noir, la ville est un personnage à part entière, voire le personnage principal et métaphore de l’histoire. Dans cette ville fantomatique, marquée par les tristes heures du XXe siècle comme par les faits d’actualité du XXIe siècle, la narratrice remonte le fil de ses souvenirs au même rythme qu’elle remonte les rues : les lieux et les rencontres, réveillant ainsi des événements du passé qui la mèneront au dénouement de l’histoire. Elle a besoin de voir, de savoir, de comprendre qui est cet homme qu’elle n’a pas reconnu sur les photos de la scène de crime, lorsqu’elles lui furent présentées à son arrivée au Havre.

Loin du roman policier, Jour de ressac est un récit de l’intime, dont la lecture saura vous surprendre.

 

Jour de ressac de Maylis de Kerangal, Éditions Verticales, 2024.