Dans ce sixième roman, Maria Pourchet revisite le roman d’amour à travers l’histoire de Laure, professeure à l’université, qui trompe son mari avec Clément, un banquier quelconque.
L’adultère, sujet brûlant
L’adultère est une bouffée d’air frais pour les deux amants qui rompent avec la vie conformiste qu’ils menaient. Clément voit en effet la relation entre Laure et lui comme une fatalité étant donné l’époque qu’il qualifie de « crachat ». Quant à Laure, elle trouve une échappatoire à sa vie morne dans ce simulacre de relation amoureuse. C’est un prétexte pour négliger ses obligations familiales qui lui pesaient et de se couper de son travail dans lequel elle ne trouve aucun plaisir. Laure voit cet adultère comme la possibilité ultime d’échapper à son sort de femme rangée. Lorsque sa fille, Véra, se révolte en mettant en place des actions de désobéissance au sein de son lycée, Laure conteste son mode de vie en couchant avec un homme qui n’est pas son mari. L’adultère est une provocation et un reniement de la société qui étouffe les deux amants, dont le lecteur observe l’auto-destruction.
Un récit à deux voix
La narration originale choisie par Maria Pourchet, celle de deux monologues intérieurs et interminables s’apparente à un duel entre les deux amants, et propose un effet de contraste saisissant pour le lecteur. En effet, Clément s’exprime à la première personne, ce qui en fait un personnage égocentrique et qui semble ne se préoccuper que de lui-même (et de son chien). Quant à Laure, elle parle à la seconde personne, ce qui introduit une notion de distance, le personnage ne se reconnaissant plus comme une seule entité. Laure est donc une femme perdue, et ce dès le début de l’histoire, déconnectée d’elle-même, s’observant de loin, aux côtés du lecteur. On a donc un jeu de miroir et la rencontre entre deux êtres qui appréhendent différemment le monde qui les entoure par ce simple changement de pronom. Ce choix narratif introduit un décalage subtil mais astucieux, qui permet d’entrer dans la conscience des personnages, de comprendre leurs insécurités les plus profondes… et aussi de réaliser pourquoi leur histoire d’amour est si catastrophique. Laure et Clément ne s’entendent pas : ils sont incapables de communiquer. Ils sont deux corps qui se rapprochent, se frôlent mais ne se confondent jamais, parce qu’ils restent extérieurs l’un à l’autre, imperméables aux désirs de leur partenaire.
Le nouveau Madame Bovary ?
Ce roman de Maria Pourchet m’a beaucoup déconcertée, et je suis ressortie de la lecture avec un avis mitigé. On m’avait vendu le Madame Bovary du XXIᵉsiècle. Est-ce que le roman a été à la hauteur de ces attentes ? Je ne sais pas vraiment. Le principe d’un bon livre est qu’il est déstabilisant, il trouble et c’est ce qui prouve qu’il a été pensé et écrit afin de laisser une empreinte sur le lecteur. Madame Bovary a été beaucoup critiqué pour son style à sa sortie car les gens ne savaient pas quoi penser de ce narrateur amoral. Sans doute est-ce la même chose pour Feu ? J’ai été sensible aux qualités stylistiques du roman, j’ai apprécié l’humour de Maria Pourchet, et certains passages m’ont vraiment plu (notamment la fin du roman qui est inattendue), pour autant, j’ai été gênée par le style de l’autrice qui m’a plusieurs fois délogée de l’histoire. Cependant, les phrases courtes et hachées rendent bien la souffrance et la passion des deux personnages principaux, le ton de Maria Pourchet convient au sujet du roman et s’harmonise bien avec l’histoire. Le style de l’autrice sert un objectif, mais il est très marqué, donc peut facilement freiner la lecture. Malgré mon expérience mitigée, je recommande chaudement de lire ce livre de Maria Pourchet ne serait-ce que pour s’essayer au style de l’auteure et à son ironie mordante qui m’a beaucoup amusée.
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