Couverture du livre
© Gallimard

Éden : un véritable paradis ?

« Un esprit de la forêt. Voilà ce qu’elle avait vu. Elle le répéterait, encore et encore, à tous ceux qui l’interrogeaient, au père de Lucy, avec son pantalon froissé et sa chemise sale, à la police, aux habitants de la réserve, elle dirait toujours les mêmes mots, lèvres serrées, menton buté. Quand on lui demandait, avec douceur, puis d’une voix de plus en plus tendue, pressante, s’il ne s’agissait pas plutôt de Lucy – Lucy, quinze ans, blonde, un mètre soixante-cinq, short en jean, disparue depuis deux jours –, quand on lui demandait si elle n’avait pas vu Lucy, elle répondait en secouant la tête : « Non, non, c’était un esprit, l’esprit de la forêt. » »

C’est dans ce milieu quelque peu onirique que Monica Sabolo présente le récit initiatique et angoissant de Nita, adolescente d’un lieu lointain jamais nommé, qui rêve d’ailleurs. C’est à travers le regard de celle-ci que le lecteur observe les adolescents vivre et expérimenter leur jeunesse, à la fois dans leurs limites et dans leurs excès. L’une d’entre eux, l’insaisissable et magnétique Lucy, est retrouvée au pied d’un arbre, mutique, couverte de sang et de griffures. Nita décide alors d’élucider ce mystère. Sa quête l’amène à fréquenter un bar du coin, lieu de rendez-vous des ouvriers de la société forestière, tenu par cinq filles déjantées dont l’intrigue livrera peu à peu les secrets.

Éden est un récit à double tranchant avec un côté fabuleux et un autre bien plus cruel, où la sauvagerie des hommes déclenchera les représailles des femmes de la forêt.

Pourquoi choisir ce livre ?

La première raison est que le dernier roman de Monica Sabolo possède tout simplement un titre qui attire : Éden, le nom du jardin merveilleux où la Genèse place l’histoire d’Adam et Ève. En plus de ce titre à la fois très simple et très complexe, le résumé de la quatrième de couverture intrigue. « Un esprit de la forêt » : ces quelques mots, associés au titre, font alors penser à un roman fantastique. Puis en continuant la lecture de cette quatrième, on réalise rapidement que ce n’est pas le cas, que c’est un roman bien plus compliqué et très loin du jardin de la Genèse. Celui-ci fait alors penser à un ouvrage mélangeant le genre policier et le thriller psychologique, tout cela prenant place dans un univers amérindien. Deux genres littéraires formant un mélange peu commun qui risque de piquer votre curiosité et votre intérêt.

Qu’en penser ?

La particularité de ce roman semble venir de deux éléments primordiaux à la lecture : la domination masculine, et plus précisément, celle de l’homme blanc, et l’adolescence, avec ses mystères et ses zones d’ombre.

Le premier élément, l’homme violent et sa domination, est omniprésent dans le livre, puisqu’étant l’un des thèmes principaux. À la lecture de ce livre, l’impression que tous les hommes, qu’ils soient adolescents, adultes ou figures d’autorités (ou en tous cas, une très grande majorité), soient violent apparaît, : Monica Sabolo explique cette violence et ce besoin de dominer du fait que les hommes ne savent pas exprimer leurs sentiments autrement.
L’adolescence, avec ses mystères et ses zones d’ombre, est le second élément qui fait la particularité de cet ouvrage. Toutefois, les mystères et zones d’ombre entourant l’adolescence semblent donner une inconsistance aux personnages : en effet, ils semblent énormément manquer de caractère, de profondeur, ce qui, fatalement, pousse le lecteur à ne se sentir que très peu concerné par leur histoire.

Néanmoins, il est indéniable que Monica Sabolo possède un style particulier bien à elle, une force évocatrice que fait surgir l’auteure pour décrire l’atmosphère de cet endroit lointain où le récit prend place. Le brouillard, la sensation de l’eau du lac sur la peau, l’odeur de la terre, la forêt, à la fois sombre, chaleureuse et mystérieuse, … Tout y est décrit de façon poétique, remplie de réalisme où les esprits captivent les personnages ainsi que le lecteur : un hommage à la nature et au monde invisible qu’elle abrite. De magnifiques descriptions qui, en dépit de leur très grand réalisme, entraînent le lecteur dans un monde merveilleux et fantastique. Une nature si présente qu’elle devient un personnage à part entière, fascinante, menaçante et terrifiante.

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