Huit ans après le succès de Petit Pays, Gaël Faye revient avec Jacaranda. Lauréat du Prix Renaudot 2024, ce second roman est un hommage poignant au Rwanda post-génocide.
Jacaranda raconte l’histoire de Milan, un jeune homme né en France d’un père français et d’une mère rwandaise, qui ignore tout de ses origines. Le Rwanda entre dans sa vie à travers les images télévisées du génocide et l’arrivée de son cousin Claude, gravement blessé. Lors de son premier voyage dans ce « pays de lait et de miel », Milan affronte son héritage complexe, un passé que sa mère refuse d’évoquer. Des années plus tard, ce silence étant devenu insupportable, il retourne au Rwanda pour percer le secret de ses racines. Là-bas, il retrouve une famille marquée par le génocide.
Jacaranda raconte l’histoire de Milan, mais surtout celle d’un peuple en quête de réconciliation. À travers le jacaranda, symbole de résilience, l’auteur explore l’importance de la mémoire. L’arbre, témoin muet de l’histoire tourmentée du pays, devient une métaphore des cicatrices du génocide, visibles et invisibles, marquant plusieurs générations.
Invisibles, comme ce silence, omniprésent dans le roman, qui reflète un Rwanda encore prisonnier de son passé, malgré les commémorations. Ce mutisme, à la fois protecteur et oppressant, témoigne d’un traumatisme collectif profond. Faye sonde les blessures laissées par le génocide, non seulement chez les survivants, mais aussi chez les générations suivantes. À travers des personnages comme Claude et Stella, il montre une jeunesse rwandaise marquée par une mémoire trop lourde.
L’histoire de Milan est aussi une quête identitaire. Né entre deux cultures, il navigue entre sa vie en France et ses racines rwandaises qu’il ne connaît pas. À travers ses voyages au Rwanda et ses retrouvailles familiales, il explore cette dualité et cherche à comprendre qui il est. L’auteur montre avec finesse comment l’absence de racines solides dans un pays meurtri par un génocide entraîne de profondes interrogations existentielles. Dans cette quête, Milan se heurte aussi à la douloureuse question du pardon et de la réconciliation. Alors que victimes et bourreaux coexistent, Jacaranda interroge la possibilité de reconstruire un pays après une telle tragédie, mettant en lumière le rôle des gacaca, juridictions populaires créées pour juger les responsables du génocide.
« Tu sais, l’indicible ce n’est pas la violence du génocide, c’est la force des survivants à poursuivre leur existence malgré tout. »
Avec Jacaranda, Gaël Faye signe une écriture poétique et sensible, nourrie par sa carrière musicale. Au travers de métaphores fortes et d’une narration fluide, il capte l’essence du Rwanda : sa beauté, ses blessures et sa résilience. Il aborde les traumatismes du génocide avec dignité, tout en explorant la complexité des relations humaines et le poids du silence. Malgré la gravité du sujet, le roman se distingue par sa lumière et son espoir, témoignant de la capacité du peuple rwandais à se reconstruire. Bien que parfois alourdi par des intrigues secondaires moins captivantes, Jacaranda livre des scènes bouleversantes, comme le monologue de la tante Eusébie lors des commémorations.
Ce roman n’est pas la suite de Petit Pays, mais une pièce manquante du puzzle. Explorant les conséquences du génocide et ses traumatismes, Faye ne se contente pas de relater les horreurs du génocide, il montre comment ces événements continuent de hanter les survivants et de façonner les générations suivantes. À travers une écriture intime et universelle, ce roman bouleversant est un appel à la vie, un témoignage du pouvoir des mots et de la littérature face au silence.