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La Petite dernière de Fatima Daas : une identité fragmentée

La Petite Dernière est un discours, qui trace une frontière nette entre deux communautés et mouvements distincts – l’un religieux, l’autre queer. Plutôt que de placer clairement le premier en marge d’une société qui embrasse volontiers le second, l’écrivaine soulève une question : qu’advient-il de l’expérience queer lorsque la religion est de plus en plus utilisée comme antipode du queer ? 

Autofiction

Fatima Daas est la protagoniste et l’autrice de La petite Dernière et…aucune des deux à la fois, l’ambiguïté réside dans le statut d’autofiction attribué à cet ouvrage.  On n’en sait guère plus sur cette jeune femme née à Clichy-sous-Bois, en banlieue parisienne, et qui se cache derrière un pseudonyme, le même que la protagoniste de son ouvrage. Quoi qu’il en soit, Fatima Daas l’écrivaine et Fatima Daas le personnage défendent leur droit de ne pas décider entre leur pratique religieuse et leur orientation sexuelle, un conflit interne qui façonne un roman narré en phrases courtes et en répétitions, comme des couplets de rap ou des versets du Coran. 

Une identité fractionnée

La religion et la sexualité sont des forces dominantes dans la formation de l’identité de la protagoniste, en particulier la manière dont ces deux identités s’entremêlent, notamment dans sa manière d’être et d’interagir avec le monde qui l’entoure. À aucun moment, cette identité ne se fonde sur un binaire singulier religieux/athée ou lesbienne/hétérosexuel, mais plutôt sur une fragmentation et une fluidité des possibilités qui tentent de surmonter une telle fracture. 

Oralité

Fatima Daas reconstruit le langage et réunit ce qui fait part de son identité et de ce qui l’a construite. Cette reconstitution permet à l’autrice de passer de l’oral à l’écrit, du dynamisme au statique, donc de fixer par l’écriture une mémoire, une expérience – car l’acte d’écrire rend visible une expérience identitaire qui, à priori, apparaissait comme contradictoire. Ainsi, elle souhaite se faire connaître dans son authenticité, aux siens comme à l’autre, donner enfin l’image d’un monde qui n’est pas figé, mais en gestation, annonciateur d’un temps nouveau.