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Méduse de Martine Desjardins : Une critique mitigée

Publié pour la première fois au Québec le 1er octobre 2020 par la maison d’édition Alto, le roman Méduse, de Martine Desjardins, offre une plongée captivante dans un univers sombre, où la beauté et la laideur se confondent dans une danse macabre. Ayant récemment fait l’objet d’une réédition française par L’Atalante le 17 août 2023, cette œuvre se distingue par sa réinterprétation audacieuse du mythe de Méduse, plongeant les lecteurs au cœur d’une histoire troublante.

Inspirée par la richesse de la mythologie grecque, Martine Desjardins façonne un récit qui évoque les sombres romans gothiques victoriens et les contes de fées les plus cruels. Au cœur de cette narration, se déploie l’épique histoire de Méduse, réputée d’une laideur telle que la simple vision de ses yeux engendre la terreur.

« Tant bien que mal, ma mère rabattait ma frange vers l’avant, de façon à dissimuler complètement mon visage, et elle en profitait pour me faire cette mise en garde affectueuse : Si jamais tu montres tes yeux, je devrai te coudre les paupières. »

Dès son enfance, Méduse est contrainte de dissimuler son visage derrière un rideau de cheveux pour épargner aux autres la vue de ses « difformités ». Rejetée par sa famille et reléguée à l’Athenaeum, un lieu destiné à cacher les jeunes filles jugées disgracieuses à la société, elle mène une existence de servitude, condamnée à récurer le sol à quatre pattes. Plus le temps passe et plus elle se plonge dans la découverte des sombres secrets de l’institut, qui, une fois par mois ouvre ses portes à des hommes riches peu scrupuleux envers les protégées. À force de ruse et de prise de conscience des pouvoirs de ses globes oculaires, Méduse nous entraîne dans une croisade contre l’oppression et la honte du corps. À travers sa voix narrative à la première personne, le lecteur est transporté dans un récit qui explore des thèmes profonds tels que la sexualité, l’oppression des femmes, l’image de soi, la honte du corps, la marginalité et l’empowerment féminin.

« J’étais prête à l’affirmer, maintenant : j’étais Méduse. L’éternel féminin. La manifestation du chaos primordial. La destructrice des miroirs du monde. Je n’avais plus rien à craindre – ni des reflets ni des ombres. »

D’un avis très personnel, j’ai grandement apprécié l’originalité de l’intrigue, de la dimension macabre de l’atmosphère jusqu’à l’évolution du personnage de Méduse, qui passe habilement de victime à manipulatrice d’hommes. Cependant, le style d’écriture a entravé mon immersion dans l’histoire, me laissant quelque peu déconcertée. Au contraire de toutes les critiques qui applaudissent le travail de Martine Desjardins, je me suis retrouvée emmêlée dans les filaments de l’intrigue, mais non pas grâce à la plume de l’auteure. En outre, un aspect qui a atténué mon plaisir est la représentation peu flatteuse des hommes dans le roman, chacun présenté comme une personne aux tendances perverses. Dans un roman féministe, l’intention ne devrait pas être de diaboliser tous les hommes, mais plutôt de critiquer les comportements toxiques individuels…

Dans l’ensemble, mes impressions à l’égard de ce roman sont donc mitigées, et je dois admettre avoir rencontré certaines difficultés pour le terminer. Malgré tout, je tiens à saluer l’audace de l’auteure qui a osé présenter une œuvre à la fois intrigante et provocante, méritant une exploration approfondie pour appréhender toute l’étendue de ce sombre récit.

Méduse de Martine Desjardins, L’Atalante, 2023.

Léa Chauvigné