Aussi déraisonnable qu’elle semble l’être, Amélie Nothomb ne l’est pas assez pour parler au nom du Christ. Dans Soif, son dernier roman publié chez Albin Michel le 21 août 2019, la romancière belge au chapeau noir raconte les derniers instants de Jésus.
Soif, c’est l’histoire du condamné à mort le plus célèbre de la religion. Amélie Nothomb écrit à la première personne du singulier et donne la parole à Jésus. Depuis sa cellule, le fils de Dieu raconte rapidement le procès de Ponce Pilate autour de souvenirs anecdotiques des miracles qu’il a accomplis. Pendant les cent-soixante-deux pages du roman, Amélie Nothomb se plonge dans l’intimité du Christ et le fait parler de solitude et d’amour. Avec un phrasé commun et facile à lire, Jésus prend la parole et nous dit son amour pour Marie-Madeleine, les conflits avec son père et son amour du corps. Inévitablement, l’écrivaine conduit son personnage au Golgotha et lui fait vivre le calvaire, avant la résurrection.
Grâce à Soif, le Christ semble plus humain et plus proche du lecteur. Sur un ton humoristique et léger, il raconte simplement sa vie d’homme et les plaisirs simples de l’existence. La plume de la romancière belge nous emmène là où les Évangiles s’arrêtent mais Amélie Nothomb ne se revendique en rien théologienne. Humblement, elle dit simplement raconter l’histoire de son héros comme elle l’entend et ne cherche en aucun cas à choquer les lecteurs. Bercée depuis sa petite enfance par la religion chrétienne, l’écrivaine désire parler de Jésus depuis ses deux ans et demi. Soif s’adresse à tout le monde, les athées, agnostiques, non croyants et religieux sont invités à lire « le livre de sa vie » pour découvrir l’histoire de Jésus, celle d’un homme avant tout.
Un vocabulaire simple et des phrases courtes sont les éléments clés de ce roman réussi qui plaît autant aux intellectuels, qu’aux lecteurs fidèles et à ceux qui découvrent l’univers d’Amélie Nothomb. La singularité du sujet, mais surtout la manière dont il est traité, prouve une fois de plus le talent de l’écrivaine belge. Singulière et touchante, aussi bien dans son écriture que dans sa manière de penser, Amélie Nothomb se livre également à travers les mots de son personnage ; l’amour du corps est ce qui les lie. La « soif » c’est l’incarnation ultime, la rencontre entre l’humain et la divinité au moment où l’eau coule dans la gorge. Soif, c’est une ode à l’enveloppe corporelle. Celle du Christ d’abord, mais aussi celle de tout un chacun, du corps en général. C’est une réconciliation d’Amélie Nothomb avec son corps meurtri suite à une agression qu’elle a vécue sur une plage au Bangladesh alors qu’elle n’était qu’adolescente. C’est pourquoi Soif est le roman de sa vie. C’est celui du chemin que l’auteure a dû parcourir pour parvenir aujourd’hui à être en paix avec son corps et sa tête.
Moins lassant que la Bible, plus court et plus agréable à lire, Soif est une manière singulière de découvrir une part de la religion catholique.
Pour en savoir plus sur la réception de Soif par la presse, je vous invite à lire cet article.