Dans son roman Les âmes féroces publié le 19 août 2024 aux éditions de L’Olivier, Marie Vingtras nous plonge dans la petite ville tranquille de Mercy aux Etats-Unis, où la découverte d’un corps sans vie va faire voler en éclats toute la façade de cette petite bourgade. L’ouvrage s’est vu recevoir le prix du roman Fnac, décerné à la fois par des libraires et par des auteurs, une consécration pour un deuxième roman.
Le roman, qui prend la forme d’un polar, se concentre avant tout sur l’étude de la nature humaine et l’impact des actes et relations des personnages. Malgré mon choix de cette lecture pour son genre d’apparence du thriller, j’ai été agréablement surprise de la tournure du texte. Même si les premières pages de la deuxième partie de l’ouvrage m’ont quelque peu déconcertée, je me suis vite retrouvée emportée dans l’univers totalement différent que Marie Vingtras nous propose en passant d’un point de vue d’un personnage à un autre.
Quatre chapitres, quatre saisons, et quatre personnages en proie à leurs propres tourments. Chaque chapitre reflète un style unique, une manière particulière de vivre le désespoir. De plus, chacun des personnages, dans son intériorité, nous révèle un vice caché, une histoire enfouie qui resurgit et qui fait avancer l’intrigue, nous faisant presque oublier notre objectif premier de résolution d’enquête, de découverte du meurtrier. Le mobile de l’assassinat devient donc la recherche et la réflexion première du lecteur.
De plus, l’écriture est très bien travaillée. Chacun de ces chapitres se déroule comme un scénario de la même histoire, mais avec les lumières changeantes selon la saison, qui s’accorde parfaitement bien avec l’univers du personnage. À travers ces quatre chapitres, l’écriture varie elle aussi, suivant le protagoniste et révèle davantage leur personnalité enfouie grâce à leurs états d’âme. Marie Vingtras parvient ainsi à captiver le lecteur, qui n’attend que de découvrir l’énigme, de chercher à trouver le meurtrier de Leo, tout en s’immergeant dans les tribulations profondes de chaque personnage.
Je tenais également à exprimer dans ma critique personnelle, l’importance que l’auteure à apporter à son roman en mettant en exergue la complexité et la dangerosité de l’homme sur la femme. En effet, toutes les violences sexistes et sexuelles y passent (ou presque), nous rappelant sans cesse à nous autres femmes, la dangerosité que cela représente pour nous de vivre dans un monde construit par des hommes et pour des hommes.
Mais le livre aborde de manière générale, l’ambiguïté de l’humanité, les relations humaines complexes, ainsi que les émotions profondes qui influencent notre comportement. Le récit explore plusieurs types de violences :
- Violence relationnelle homme-femme : La shérif Lauren, victime de violence sexiste, et sa compagne, marquée à vie par un ex-mari violent, témoignent de la brutalité de ce type de violence.
- Violence familiale : La dynamique entre parents et enfants, où les adultes ont souvent du mal à voir la véritable identité de leurs enfants en devenir.
- Violence liée à la jalousie : Les conséquences dramatiques des rivalités et des désirs refoulés.
- Violence dans l’amour : L’amour destructeur de Seth pour sa femme et sa fille, qui le conduit à souffrir et à se sacrifier.
- Violence psychologique et physique : Les traumatismes et les expériences de vie qui façonnent les comportements des individus, notamment à travers la violence physique entre hommes.
À travers l’analyse des personnages et de leurs interactions, le livre révèle les secrets, les mensonges et les souffrances cachées au plus profond des êtres. Ce n’est pas seulement une enquête sur un meurtre, mais une étude psychologique de l’homme, une immersion dans l’intimité de ceux qui dissimulent leur vérité derrière des façades trompeuses.
En conclusion, Les âmes féroces est un roman qui se distingue par la plume riche et raffinée de Marie Vingtras. La férocité évoquée par le titre se manifeste pleinement dans l’ensemble du récit, que ce soit à travers les personnages ou les événements qui y sont décrits. Bien que l’histoire soit résolument sombre, elle est portée par une écriture et une trame narrative, à mon sens, très bien maîtrisées.