Paru le 19 septembre 2024, Badjens de Delphine Minoui nous plonge dans l’intimité d’une jeune Iranienne de 16 ans, Zahra, surnommée Badjens, dont le nom signifie « espiègle » ou « effrontée » en persan. Un prénom qui devient la métaphore de sa rébellion contre un système patriarcal et religieux répressif. Le roman est un témoignage poignant d’une lutte individuelle et collective pour la liberté et l’émancipation des femmes iraniennes.
Un acte symbolique de rébellion
Le récit débute le jour où Badjens décide de monter sur une benne à ordures et de brûler son voile en public. Ce geste, à la fois personnel et symbolique, représente bien plus qu’un simple rejet d’un symbole religieux : il est l’aboutissement d’une vie marquée par l’humiliation, la soumission et l’injustice. Badjens se souvient alors de son enfance marquée par un père autoritaire, un pays où son corps est constamment contrôlé et un désir de liberté, notamment vis-à-vis du voile, qu’elle considère comme une prison imposée par la société.
Cet acte de rébellion n’est pas uniquement un rejet de l’oppression religieuse, c’est également une affirmation de la puissance de la femme de sa propre liberté. Dans un monologue intérieur vibrant, l’héroïne fait face à ses souvenirs de vie, où se mêlent les traces de son passé douloureux et la prise de conscience progressive de son pouvoir.
La violence du patriarcat et la quête de liberté
L’ouvrage explore la violence quotidienne à laquelle Badjens est confrontée dans une société où les femmes sont considérées comme inférieures, leur corps réduit à un outil de soumission. Dès l’âge de 9 ans, lorsqu’elle est contrainte de porter le voile, elle prend conscience de la violence symbolique et physique que ce geste représente. Mais ce n’est qu’après la mort de Mahsa Amini, en 2022, victime de la brutalité de la police des mœurs, que la révolte de Badjens prend une forme plus concrète. Comme des milliers de jeunes femmes iraniennes, elle trouve en cette tragédie un point de basculement, un catalyseur pour libérer sa voix et son corps.
Delphine Minoui ne se contente pas de décrire une lutte entre un régime totalitaire et des jeunes révoltées. Elle met également en lumière les petites rébellions du quotidien, souvent invisibles mais tout aussi puissantes. La musique rebelle, les films clandestins ou les réseaux sociaux deviennent des moyens d’échapper à la rigidité d’un régime qui cherche à museler toute forme de contestation. Ces formes de résistance, bien qu’imparfaites et risquées, alimentent la flamme du désir d’une vie différente, celle d’une génération qui refuse de se laisser oppresser davantage.
Ce qui commence comme un acte individuel se transforme rapidement en un mouvement collectif. Le rejet du voile devient un symbole de la résistance féminine en Iran, un cri de ralliement pour toutes celles qui, à l’instar de Badjens, se battent pour leur liberté. Lorsque Badjens brûle son voile, elle ne se contente pas d’affirmer son individualité : elle s’inscrit dans un processus plus large de résistance. Les femmes iraniennes, par leurs gestes courageux, redéfinissent leur place dans la société et, à travers leur rébellion, montrent que leur lutte pour l’égalité est loin d’être terminée.
Un livre nécessaire et bouleversant
Badjens est bien plus qu’un simple roman d’émancipation. C’est un témoignage bouleversant sur la condition féminine en Iran, un cri contre l’injustice, mais aussi un hommage aux femmes qui, malgré des années de répression, trouvent la force de se relever et de se battre. À travers le parcours de Badjens, Delphine Minoui offre un récit aussi intime que politique, et nous invite à réfléchir sur la place des femmes dans la société, tout en soutenant la lutte féministe internationale.
Le roman se clôt sur une note d’espoir. Un message inscrit sur un mur de Chiraz, « Vous pensiez me tuer. Vous nous avez ressuscitées. », fait la quintessence de ce livre.