© Christine Marcandier

Ceux qui restent

« Le monde se divise en deux catégories. Ceux qui partent. Et ceux qui restent. » C’est par ces mots que Sylvain Prudhomme ouvre le dix-septième chapitre de son huitième roman, Par les routes. Ce sont aussi ces mots qui pourraient décrire le mieux l’histoire d’un écrivain d’une quarantaine d’années, Sasha, qui décide de quitter Paris pour s’installer dans une petite ville au Sud de la France afin de s’atteler, dans le plus grand des calmes, à l’écriture de son nouveau livre. Là-bas, il retombe par hasard sur un ancien ami, avec qui il avait vécu de nombreuses aventures dans sa jeunesse, l’auto-stoppeur. Il le retrouve marié à Marie, père d’un enfant, Agustín, et en apparence plus assagi, loin de l’individu fougueux et bohème qu’il avait connu. Pourtant, peu de temps après l’arrivée de Sasha, l’auto-stoppeur commence à repartir en voyages. Des voyages sans but si ce n’est de rencontrer des gens inconnus, partager quelques moments avec eux et assouvir une soif d’expériences qui le consume  et qui finira par consumer sa famille également, petit à petit.

Par les routes est donc un roman sur ceux qui partent et ceux qui restent. Sur ceux qui ne peuvent pas rester au même endroit et ceux qui finissent par accepter que la vie les destine à s’arrêter à un moment donné quelque part. Ou bien c’est peut-être un livre sur ceux qui sont absents et ceux qui sont présents. Ceux qui ont besoin de toujours partir à l’aventure pour se sentir vivants et ceux qui savent s’arrêter et savourer un moment figé. C’est le roman de deux contraires qui pourtant ont partagé des quêtes d’expériences et un art de vivre commun il y a des années de cela, avant que l’un finisse par pousser l’autre au bout de ses forces. C’est aussi un roman sur une femme, Marie, qui se retrouve entre ces deux opposés, entre un vagabond insaisissable et un homme qui est venu se perdre, ou peut-être se trouver au contraire, dans cette ville du Sud de la France.

Par les routes, c’est l’histoire de ces trois personnages. Une histoire que Sylvain Prudhomme raconte avec une délicatesse rare. S’il est impossible de ne pas penser à Jack Kerouac et à son légendaire Sur la route en lisant ce roman, l’auteur arlésien se démarque considérablement du leader de la Beat Generation en choisissant de s’intéresser avant tout aux personnages qui décident de rester et qui n’ont pas toujours besoin de partir à l’aventure pour avoir l’impression de vivre pleinement. Son style est doux, ses mots sont simples et ses descriptions, même quand elles sont conséquentes, ont une qualité très cinématique qui nous permet de nous imaginer à travers les paysages riches de ce roman. Sylvain Prudhomme arrive également à décrire une relation complexe qui évolue au sein du triangle amoureux, sans jamais donner l’impression de la forcer. On sent rapidement ce qui va arriver au fil du roman, que certains sentiments finissent forcément par grandir et d’autres par disparaître à cause de l’absence et de la distance, et pourtant nous ne sommes jamais sûr de la façon dont les choses vont se dérouler ni certainement qu’elles vont vraiment finir par arriver. Sylvain Prudhomme réussit à nous captiver du début à la fin et à nous offrir un peu de ce sentiment de liberté qui habite son huitième roman.

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