Le choix de l’Anomalie de Hervé Le Tellier comme sujet d’étude de veille éditoriale s’est fait en me rendant au Relay de la gare d’Angers. Je feuillette le Lire Magazine consacré à la rentrée littéraire et y trouve une présentation du dernier roman d’Hervé Le Tellier chez Gallimard. Ne connaissant pas cet auteur, j’apprends qu’il fait partie du mouvement de l’Ouvroir de littérature potentielle (OuLiPo) que j’affectionne particulièrement. De plus, l’unique illustration de cette courte présentation est un extrait du livre, les dernières lignes, que l’auteur a choisi de mettre en page sous une forme peu commune : les mots du dernier paragraphe semblent couler vers le bas de la page ne laissant apparaître plus que des lettres solitaires qui terminent l’œuvre sur le mot « fin ». Par l’originalité graphique de cette page et celle du résumé de l’œuvre (dont le style littéraire semble bien particulier), je décide de consacrer cette veille à un ouvrage qui fera assurément parler de lui.
En effet, après plusieurs mois de récolte d’articles autour de l’œuvre, d’interviews de l’auteur, de suivi des sélections aux grands prix littéraires, le voilà grand gagnant du prix Goncourt 2020. Les articles se multiplient, le sujet fait la une en France comme à l’étranger, l’auteur passe sur tout les plateaux de télévision, il est l’invité spécial des antennes radio, les avis de blogueurs littéraires inondent la toile et même des presses spécialistes d’économie, de philosophie ou de technologie consacre un billet à L’Anomalie. Tout le monde ne parle plus que du dernier roman d’Hervé Le Tellier, pourtant peu connu malgré une carrière littéraire bien remplie. Il faut dire que l’Anomalie est un vrai roman d’anticipation, l’intrigue se déroule par ailleurs en 2021 et résonne pleinement avec le monde d’aujourd’hui : un monde bouleversé par un évènement extérieur incontrôlable pour l’Homme auquel il va devoir faire face.
Le sujet apocalyptique du livre est contre-balancé par une écriture ludique, des situations drôles, des personnages très variés, une narration construite « comme un scoubidou » et la forte présence de références populaires. Les journalistes insistent sur l’aspect cinématographique de l’œuvre de Le Tellier, l’Anomalie est comparée aux séries Lost et Black Mirror, à Matrix ou aux films de Christopher Nolan, je lis qu’il y a du Woody Allen et du Stephen King dans ce livre. Hervé le Tellier est également rapproché de nombreux auteurs : Italo Calvino, qu’il cite lui-même comme sa première inspiration, George Perec, son confrère de l’OuLiPo, Jonathan Swift, Emil Cioran ou encore Samuel Beckett.
Par ailleurs, le véritable apport scientifique de l’auteur est reconnu par l’ensemble de la presse, les journalistes mettent en valeur les débuts d’Hervé Le Tellier diplômé en mathématique et en astrophysique, journaliste scientifique, à la tête d’un magazine d’informatique et de technique dans les années 80 et abonné de longue date à la revue NewScientist. Son style d’écriture est également largement commenté et particulièrement le patchwork qu’il a voulu créer, mêlant au sein d’une même histoire, un roman noir de type thriller, une histoire d’espionnage, un roman d’amour, un drame social, un essai philosophique. L’Anomalie cherche à parler du monde en s’adressant à lui, à aborder tous les sujets : la religion, la crise politique et sociale, les relations amoureuses, le suicide, le rapport homme/femme, l’inceste, et bien d’autres. Tous les journalistes, auteurs, critiques, blogueurs et internautes, s’accordent pour parler de « virtuosité », d’« écriture savante » et « parfaite maîtrise », d’« excellente littérature », d’« intelligence », d’un roman « addictif », « divertissant » tout en faisant réfléchir. Il est difficile de trouver des avis dont la critique négative pourrait entacher cette œuvre qui semble s’adapter à tous les goûts.