© Catherine Hélie

Éric Reinhardt, un auteur engagé

Dans plusieurs de ses précédents livres, Éric Reinhardt brossait déjà une critique de notre société, notamment dans Le Système Victoria un roman qui condamne le capitalisme et le libéralisme à outrance. Il y a quelques mois, il publie Comédies Françaises chez Gallimard, une analyse assez perspicace de ce qu’a pu être le monde politique et économique des années 1970.

C’est en apprenant qu’Internet aurait pu être français dans une brève de Libération qu’Éric Reinhardt a eu l’idée de son nouveau livre : Comédies Françaises. Ce roman nous raconte l’histoire de Dimitri Marguerite, un jeune reporter de 27 ans. D’abord élève brillant en prépa scientifique, Dimitri arrête tout pour se consacrer à sa passion : le théâtre. Il est passe le concours du Conservatoire National de Paris mais est refusé et finit par s’inscrire à Sciences Po Paris. À la fin de ses études, il trouve un poste dans un cabinet de lobbyisme mais ses convictions politiques le poussent à démissionner. Une amie lui parle alors d’un concours organisé par l’AFP visant à recruter de jeunes reporters. Il s’y présente et est admis. Un jour, Dimitri rencontre Louis Pouzin : l’inventeur du datagramme, l’ancêtre d’Internet. Il se lance alors dans une enquête afin de prouver qu’Internet aurait pu être français.

Ce livre est donc un roman à charge contre les pouvoirs publics et économiques de l’époque. Éric Reinhardt nous relate dans les Inrockuptibles : « J’ai eu alors l’intuition, en lisant cette brève de Libé, qu’il y avait eu quelqu’un, en France, au plus haut sommet de l’Etat, qui, devant cette invention, avait dit : non. Et je me suis juré de l’identifier ». Dans son roman, l’auteur met donc en avant ce complot mélangeant état et grandes entreprises. Il dévoile les jeux de pouvoirs entre puissants et il nous montre comment l’état, sous couvert de savants arrangements, a pu mettre fin à un projet prometteur en toute impunité. En effet, Éric Reinhardt nous révèle dans ce livre que c’est Valéry Giscard d’Estaing qui, sous les pressions d’Ambroise Roux le grand patron des télécoms, fait retirer les subventions de l’état au projet. Il explique pourquoi dans l’émission La Grande Librairie :

« Les ingénieurs des télécoms qui étaient des gens extrêmement doués et compétents et sans doute les meilleurs au monde voyaient d’un très mauvais œil l’émergence de cette nouvelle engeance considéré par eux comme subalterne des informaticiens ».

Ce que l’auteur de Comédies Françaises nous dit ici, c’est que ce moment décisif raté n’est presque qu’une histoire d’ego et de mépris. Ambroise Roux, se pensant supérieur au reste du monde, a décidé de privilégier son intérêt personnel à l’intérêt de la nation. Il fait retirer les subventions du datagramme au profit d’une autre invention des télécoms : le Minitel. Et nous savons tous lequel d’Internet ou du Minitel nous utilisons encore aujourd’hui…

Entre fiction et documentaire, ce roman lève le voile sur un moment décisif de l’histoire française.