Avec Enfant de Salaud, Sorj Chalandon continue sa quête du père en donnant rendez-vous aux lecteurs en 1987, heure du procès Barbie et découverte du dossier judiciaire de son père.
«Tous mes livres sont le tombeau de mon père » – Sorj Chalandon
Sorj Chalandon, grand reporter puis rédacteur de Libération pendant plus de 30 ans, a chroniqué des pays en guerre tels que l’Irlande du Nord, le Liban, l’Afghanistan ou encore la Syrie. Il est d’ailleurs l’un des rares étrangers à être entré sur le territoire lors du massacre de Hama. Il assiste aussi au procès de Klaus Barbie, dit « le boucher de Lyon », en 1987. Son travail journalistique est récompensé en 1988 lorsqu’il obtient le prix Albert-Londres.
Il publie dix romans chez Grasset. Le 18 août 2021, il publie Enfant de salaud. Déjà entamé dans Profession du père, il fait tomber pour de bon le masque du père héros et révèle un soldat déserteur et traître. Le roman est finaliste du Prix Goncourt 2021.
«Ton père portait l’uniforme allemand. Tu es un enfant de salaud ! »
Il ne s’agit pas à proprement parler d’un témoignage puisque Sorj Chalandon découvre la véritable histoire de son père à travers son dossier judiciaire. Il aborde une réalité taboue à propos de la Seconde Guerre mondiale : tous les Français n’étaient pas résistants. Qui était son père durant l’Occupation ? On l’aurait vu en uniforme SS en plein Lyon… Pourtant, toute sa vie il s’est vanté auprès de son fils d’avoir côtoyé Jean Moulin, fait dérailler des trains avec la Résistance et combattu l’ennemi avec courage.
L’histoire du père de Chalandon est d’autant plus intrigante puisqu’il a, au cours de la guerre, porté cinq uniformes différents. Cette destinée unique est mêlée au procès de Klaus Barbie, jugé pour ses crimes durant la Seconde Guerre mondiale. « Le boucher de Lyon » a été retrouvé en Bolivie par le couple Klarsfeld.
Sorj Chalandon confronte son père dans ce roman pour réparer son histoire dans la grande Histoire.
Un roman émouvant et réaliste
Ce roman est une véritable réussite. Il entremêle deux destins, celui d’un père et celui d’un criminel de guerre. Au niveau historique, c’est un roman important, qui reprend les faits, Sorj Chalandon explique bien qu’il n’a pas souhaité déformer la réalité dans les chapitres en lien avec Klaus Barbie. Pour lui, il n’est pas question de faire de la fiction sur cet événement. C’est un véritable hommage aux victimes. Il retranscrit avec une écriture simple et directe les faits.
Un des épisodes les plus marquants et émouvants du roman reste le discours de Serge Klarsfeld au tribunal lorsqu’il cite le nom des enfants d’Izieu un par un, le nom de chaque enfant qui n’a pas survécu, de chaque victime du nazisme. On ressent la volonté de Sorj Chalandon de transmettre les faits et de respecter un devoir de mémoire. Au niveau de la plume, il a une véritable écriture journalistique, il établit une véritable enquête, une quête du père. Il cherche les faits, les confronte et cherche avant tout la vérité. C’est un excellent livre, qui entremêle parfaitement fiction et réalité.