Les américains semblent avoir apprécié le nouveau roman de Colson Whitehead : Nickel Boys. Barack Obama le qualifie de « lecture nécessaire », le Publishers weekly salue le talent de son auteur qui est « toujours aussi brillant » et le The Los Angeles Times place ce roman comme « l’un des livres les plus attendus de l’année ». Mais qu’en est-il vraiment de la réception française de cet ouvrage multi-récompensé aux États-Unis ? Nous avons mené notre enquête.
C’est le 19 août 2020, que le lectorat français découvre sur les étals des librairies le nouveau roman Nickel Boys, de celui que l’on surnomme désormais le conteur de l’Amérique. Un roman orné d’une couleur rouge vif qui ne laisse présager rien de bon pour les deux jeunes garçons présents sur la couverture.
Tout comme aux États-Unis, la réception de Nickel Boys en France, a donné lieu à un nombre considérable de contenus médiatiques (article de presse, radio, podcast, post instagram, etc.) et ils se sont tous avérés élogieux à une ou deux exceptions près. Selon ces différents médias, ce qui fait le succès de ce roman en France, c’est avant tout son thème : un ouvrage fictif mais fortement inspiré de faits réels.
La réception en France autour de Nickel Boys s’est également concentrée sur les motivations de Colson Whitehead à écrire ce roman qualifié de « coup de poing ». On apprend que c’est en entendant parler du scandale sur la Dozier School for Boys que lui vient l’idée de cet ouvrage qu’il gardait pour plus tard. Or en 2016, Donald Trump, suprématiste blanc est élu à la tête du pays. Colson Whitehead décide alors que c’est le bon moment pour s’attaquer au douloureux sujet de l’institutionnalisation du racisme.
Dans son ouvrage il sera question d’une maison de correction qui accueille des jeunes garçons blancs et noirs afin de les remettre dans le droit chemin. Du moins en théorie, car cet établissement est en réalité un endroit où les jeunes garçons sont physiquement, sexuellement et psychologiquement abusés sans que rien ne se sache ou que quelqu’un agisse. Certains ne ressortent jamais de cette école : on les enterre sur le campus dans le plus strict anonymat, comme s’ils n’avaient jamais existé… Colson Whitehead, avec ce récit fictif, vient à sa manière leur rendre hommage en contant l’histoire de ceux qui ne sont plus là pour le faire.
Néanmoins, ce qui fait la force de cet ouvrage de fiction c’est son style inimitable bien retranscrit par la traduction fidèle de Charles Recoursé. Whitehead sait manier les mots, et n’a pas peur de montrer les choses telles qu’elles ont été, c’est-à-dire brutales, barbares, injustes. Les journalistes saluent d’ailleurs cette façon de faire : « Le tour de force de Colson Whitehead est de dire beaucoup en peu de mots, de suggérer plus qu’il ne montre, sans pathos. »[1]
Beaucoup des œuvres littéraires de Colson Whitehead sont considérées comme le symbole d’une réflexion sur la question raciale aux États-Unis. Francis Geffard, directeur de la collection Terres d’Amérique chez Albin Michel, reconnaît qu’il est l’un de ces écrivains qui rendent à la littérature une dimension sociale qui est celle de porter des idéaux et des combats en espérant rendre le monde meilleur.
Par conséquent, beaucoup recommande la lecture de Nickel Boys, comme François Busnel dans son émission La P’tite librairie[2] qui déclare que le livre – avec la dimension pédagogique et éducative qu’il dégage – gagnerait à être plus lu par la jeune génération. En revanche, malgré une très grande popularité pour Nickel Boys en France, le roman n’a pas remporté le Prix Femina du roman étranger pour lequel il a été sélectionné et fait finaliste.
[1] Eric Blaise, « Colson Whitehead sonde les blessures raciales de l’Amérique dans Nickel Boys », La Voix du Nord, Le 2 septembre 2020.
[2] François Busnel dans son émission La P’tite librairie du Mardi 12 janvier 2021 sur France TV.