Trois héros dans le tumulte du monde
Pour mourir, le monde de Yan Lespoux est un roman d’aventures publié aux éditions Agullo à la rentrée littéraire 2023. Le récit s’ouvre sur le naufrage d’un navire portugais sur les côtes du Médoc en 1627, avant qu’une analepse ne nous entraîne dix ans auparavant. Au cours des 432 pages du livre, nous suivons trois personnages qui ont pour point commun de vouloir tirer leur épingle du jeu et de devenir maîtres de leurs destins.
On a d’abord Fernando, un jeune homme enrôlé de force dans l’armée portugaise et embarqué dans une caraque en route vers les Indes. Il subit un premier naufrage dans une nef commandé par Manuel de Meneses, un homme pour qui l’honneur du Portugal a une importance telle qu’il préfère littéralement voir son bateau couler plutôt que de s’incliner face aux Anglais. Fernando se retrouve ensuite à Goa, en Inde, où il doit déserter et entrer au service d’un sultan. Après un séjour dans les geôles de l’Inquisition, l’opportunité de changer de vie se présente à lui sous la forme de diamants…
Marie est une jeune femme ayant grandi dans les marais du Médoc. Rêvant d’ailleurs et de mieux, elle part pour Bordeaux. Mais un fâcheux incident l’oblige à fuir la ville et à se cacher dans un village au-delà des marécages et de la portée des autorités. Son oncle Louis est le roi de ce village de bergers, de résiniers et de pilleurs d’épaves. Mais son règne est menacé lorsqu’il donne à Marie des raisons de se venger, dans un arc narratif se déroulant à la manière d’un western.
Diogo est un jeune garçon devenu orphelin lors de la prise de Salvador de Bahia par les Hollandais. Il rejoint alors une sorte de maquis dans un village de natifs américains convertis par des Jésuites, avec qui il combat pour reprendre la ville à l’arrivée des renforts portugais et espagnols. Ils sont remarqués par Manuel de Meneses, qui les emmène avec lui jusqu’à Lisbonne.
Leurs trois histoires se rejoignent alors que le récit rattrape l’analepse, au moment du naufrage et pendant l’aventure qui s’ensuit.
Un premier roman tourbillonnant
J’ai trouvé que Pour mourir, le monde était un roman d’aventures passionnant. L’écriture de Yan Lespoux est à la fois élégante et précise, avec des touches cinématographiques humoristiques et sarcastiques. On sentait tout le travail de documentation en toile de fond, notamment avec le vocabulaire technique de la navigation, mais sans que cela ne vienne briser le rythme du récit. C’est que la mer et les bateaux sont des personnages à part entière, avec leurs caractéristiques et leurs caractères propres. Les héros du roman sont bien construits, attachants et parfois même inspirants. J’étais suspendue à leur histoire tout au long des quatre cents pages. J’ai toutefois ressenti une pointe de déception à la lecture du final, qui selon moi s’est déroulé trop rapidement alors qu’on l’anticipait depuis un long moment. J’aurais également apprécié des repères supplémentaires, par exemple une carte et une frise chronologique au début de l’ouvrage, pour que le lecteur puisse se retrouver plus facilement entre tous ces lieux et toutes ces dates qui peuvent le perdre. J’admire toutefois la construction complexe du récit. Pour mourir, le monde est donc un premier roman très réussi, dans lequel on se plonge avec plaisir et grâce auquel on embarque dans une grande aventure.