Cette année, Franck Bouysse a été acclamé pour son dernier roman, Buveurs de vent. Si les éloges pleuvent sur l’ouvrage, les critiques semblent, en revanche, étonnement ressemblantes.
Même avant sa sortie, Buveurs de vent faisait parler de lui. L’enfant du Limousin avait déjà fait ses preuves par le passé avec Grossir le ciel, Plateau, Glaise et tout partculièrement Né d’aucune femme au succès retentissant. Si avant de connaître cette série de réussites chez La Manufacture de livres Franck Bouysse a voyagé de maison d’édition locale en maison d’édition locale, Buveurs de vent amorce pour lui une toute autre aventure. En effet, l’année 2020 marque le passage de Franck Bouysse chez Albin Michel, géant de l’édition française. Assurément, cette rentrée littéraire a été, plus que jamais, le moment de faire ses preuves.
Un accueil critique très enthousiaste
Il n’a guère fallu longtemps à la critique pour achever de placer Bouysse parmi les “valeurs sûres” de la littérature française. Buveurs de vent s’est imposé dès sa sortie comme un incontournable auprès de la presse, des libraires et des blogueurs
“Comme jamais il fait palpiter les nuances d’existences singulières dans les remous du fleuve d’adrénaline qui irrigue son roman noir.”1
L’écriture de Buveurs de Vent est tantôt somptueuse, tantôt poétique, tantôt flamboyante[2]. Tels sont les mots de la critique lors de cette première partie de la rentrée littéraire, alors que tous les journalistes s’activent frénétiquement pour commenter la myriade de publications. Ni les libraires, ni les concours n’ont ajouté de fausse note à la réputation de l’ouvrage. Buveurs de vent s’est trouvé en tête du Palmarès des librairies Livres Hebdo, a figuré dans le Palmarès Les 100 livres de l’année 2020 par Lire, a été en lice pour l’obtention du prix fnac et a finalement obtenu le prix Jean Giono. Cette dernière distinction figure dorénavant fièrement sur les étals des libraires au moyen du traditionnel bandeau rouge.
Des critiques échos d’une seule et même voix ?
L’accueil critique de Buveurs de vent a été, indéniablement, dithyrambique. Franck Bouysse n’a eu de cesse d’être encensé pour son écriture, souvent comparée à celle de nombre d’auteurs américains comme Ron Rash ou Donald Ray Pollock.
Buveurs de vent s’est vu prendre bien des étiquettes. Sous la plume de plusieurs critiques, Buveurs de vent est tantôt un western contemporain ou bien campagnard, tantôt un drame aux accents bibliques. Au fil des avis, un sentiment de déjà-vu se dessine et se renforce. On constate que tous se ressemblent en tous points. Aucun n’analyse de manière approfondie le récit et seuls les thèmes généraux se dessinent. Si une critique positive semble parfaitement unanime sur Buveurs de vent, l’absence absolue de nuance dans les propos ainsi qu’un vocabulaire employé très similaire d’un article à l’autre laissent comme une sensation étrange. Une fois l’ouvrage lu, cette uniformité surprend encore davantage, car Buveurs de vent aborde des thématiques sensibles, que ce soit la religion, la sexualité de mineurs, la violence ou encore la condition ouvrière. Si l’on sait que les journalistes que peu de temps à consacrer aux ouvrages, compte tenu de l’avalanche de publications, il ne faut pourtant pas s’aventurer loin dans le roman avant de rencontrer un sujet au potentiel polémique.
Ainsi, cette année Franck Bouysse semble s’imposer plus que jamais comme une “valeur sûre” de la rentrée littéraire. Toutefois, la critique, aussi élogieuse soit-elle, paraît lisse et répétitive. Une question, qui n’aura sans doute aucune réponse, se dessine en filigrane. Derrière ces voix unanimes, se cache-t-il un réel amour du roman ou bien une communication d’Albin Michel particulièrement efficace ?
Sur le même sujet : « Buveurs de vent », roman irréprochable ? Par Emma Mia
[1] LEPINE Élise, Franck Bouysse offre avec « Buveurs de vent » son texte le plus incandescent, dans Le Journal du Dimanche, 20 août 2020.
[2] Augustin Trapenard dans Boomerang, 2 novembre 2020.