Dans un désir d’écrire un livre sur le monde de la prostitution, Emma Becker décide d’infiltrer, pendant deux ans, deux maisons closes berlinoises sous le pseudonyme de Justine, petit clin d’œil à Sade. Le portrait des prostituées est souvent dressé du point de vue des hommes. Or, ici, c’est sous un regard féminin que les lecteurs entrent dans l’intimité de ces professionnelles du sexe.
La Maison est un roman très personnel qui laisse entrevoir la sensibilité et la sincérité de l’autrice. Emma Becker arrive à trouver un juste équilibre dans son écriture qui se veut poétique tout en utilisant un langage familier et cru, sans pour cela être vulgaire. Ainsi, elle arrive à garder le côté sacré et romantique du sexe tout en ayant aussi une vision très réaliste de l’acte. Rien n’est trop romancé car toujours ancré dans la réalité.
Dès le début, Emma Becker nous fait apercevoir avec une certaine nostalgie son quotidien dans la Maison. Une cinquantaine de pages plus loin, après avoir présenté ses relations avec la prostitution, elle nous fait directement passer les portes de cette maison close où elle a passé la majorité de son temps lorsqu’elle était une prostituée. Avec un regard délicat et des descriptions lyriques, elle nous fait pénétrer dans des lieux mystérieux et jusque-là inconnus. C’est avec une écriture assumée, légère et une pointe d’humour qu’Emma Becker raconte ses bonnes expériences à la Maison, le bordel chaleureux, comme ses mauvaises, au Manège, le bordel glauque. Les portraits des prostituées et les anecdotes s’enchaînent. Cependant, bien qu’au début ils suscitent l’intérêt, la lecture en devient finalement monotone. Il faut s’accrocher. On ne sait pas forcément où l’on va avec ce livre. Emma Becker a choisi de raconter son expérience par un récit non linéaire et cela peut égarer le lecteur.
Malgré quelques fausses notes, La Maison reste néanmoins un bon livre. J’ai apprécié son approche du sujet tabou qu’est la prostitution. Emma Becker aborde tout en justesse la complexité des rapports homme-femme ainsi que celle du désir féminin. Elle nous livre avec tendresse des portraits magnifiquement réalistes et poétiques des prostituées.
Sur le même livre : La Maison d’Emma Becker, une véritable expérience littéraire