couverture livre ultramarins

Ultramarins : une commandante et vingt (et un ?) marins

Premier roman de Mariette Navarro, Ultramarins n’en finit plus de convaincre. En lice dans huit sélections différentes et lauréat du Hors Concours des lecteur·ices, l’ouvrage a également conquis le cœur du public : preuve en est la troisième réimpression lancée à ce jour.

Tout commence par un « D’accord ». Par un mot, un seul, lâché d’une voix mal assurée. Un mot qui annonce la brèche à venir. La commandante a dit « D’accord ». Ses marins pourront profiter d’une baignade en eaux profondes, perdue au milieu de l’océan. Seule restée à bord, elle observe ces corps nus qui dansent dans les flots. Qu’adviendrait-il si elle relançait les machines, si elle plongeait avec eux ? La brèche grandit, elle devient insistante. Les hommes remontent à bord, mais quelque chose semble avoir changé. Combien étaient-ils avant de sauter à l’eau ? Les registres donnent un nombre que la réalité ignore. Les 20 sont devenus 21.

Voir aussi : Ultramarins chez Quidam éditeur

Une œuvre protéiforme

Ultramarins est un roman qui joue avec les genres, tantôt récit initiatique, récit de voyage, nouvelle, conte fantastique. On a l’impression que Mariette Navarro a décidé de ne pas choisir de chemin tout tracé pour cet ouvrage, qu’elle a choisi de laisser libre cours à ses envies.

La longue baignade qui ouvre le récit pourrait ainsi tout à fait se tenir, dans son unité, comme une nouvelle à part entière. L’évolution du personnage de la commandante, l’adaptation nécessaire à sa survie, représentent quant à eux des éléments propres au genre du récit initiatique. Tandis que le cargo et son périple touchent indubitablement à ce qui fait le propre du récit de voyage.

Un aspect tout aussi essentiel est l’introduction subtile du fantastique. Ce décalage, presque imperceptible, qu’on constate entre le monde d’Ultramarins et notre propre réalité permet une lecture raffinée et originale de certaines problématiques contemporaines. La volonté de contrôle, la systématique nécessité de rendement, sont ainsi confrontées à une « révolte » du monde qu’elles oppressent.

Une lecture libératrice

La lecture d’Ultramarins est une véritable bouffée d’oxygène. On y plonge corps et âme pour n’en ressortir qu’une fois les 156 pages englouties.

Le Verbe est précis, évocateur et tombe comme un couperet. Il nous est impossible d’échapper à son implacable mais splendide vérité. Cette langue, aussi raffinée que fluide, on la retrouve tout au long du roman. C’est un véritable plaisir que de suivre ce rythme qui va et vient : tantôt percutant, tantôt s’étirant. Tel le ressac s’écrasant sur les rochers avant d’y laisser quelques trous remplis d’eau.

Ultramarins, Mariette Navarro, Quidam éditeur, 2021