Toucher le vertige ou se laisser toucher par le vertige

 

Qui n’a jamais été jamais pris de vertige ? Cette sensation d’avoir le souffle coupé, que le sol se dérobe sous nos pieds… Le paysage se met alors à tourner sur lui-même jusqu’à ce qu’on en ait la nausée. Simple perturbation de l’oreille interne ou doute existentiel. Vertige du sens, ou crise d’apoplexie face à la beauté d’un paysage. Le vertige révèle notre fragilité d’être au monde. Par son nouvel essai, Toucher le vertige, paru aux éditions Flammarion, le 28 août 2021, Arthur Lochmann analyse cette sensation aussi exaltante qu’effrayante. 

 

Grâce à sa plume légère et didactique, Arthur Lochmann m’a permis de (re)découvrir les concepts tant redoutés des philosophes à l’écriture aride. Son choix d’inscrire ces théories dans son vécu rend l’étude de la philosophie plus vivante et ainsi plus proche de ce qu’elle devrait être : une conversation sur l’existence. Philosopher en escaladant, en marchant, en bricolant… La philosophie s’inscrit dans nos actions et dans notre rapport au monde. Vertiges des hauteurs, vertiges existentiels ou vertiges de langue, il est intéressant de faire le lien entre plusieurs « objets vertigineux ». Pourtant, l’expérience du vertige racontée par Arthur Lochmann est très cartésienne. Pour lui, le vertige conduit à une disparition du monde : « Plus de granit. Plus de corde. Plus de corps ». Ce qui m’a amené à questionner sur ma façon d’appréhender le vertige, peut-être plus proche de ce qu’il appelle le vertigisme chez Sartre. C’est-à-dire une prise de conscience brutale de son corps et de la possibilité de sa chute.

Par-delà l’angoisse des hauteurs et du sens, d’autres vertiges marquent notre existence au monde. Dans ce contexte de crise écologique, la solastalgie ou l’éco-anxiété, est aussi une forme de vertige propre à notre temps. Comment se projeter dans le monde, si l’avenir de notre planète est si incertain ? D’autres vertiges plus , évoqués par mes camarades de classe, sont aussi des moments de déséquilibre qui parcourent une vie : les vertiges de l’amour, ou encore  le syndrome de Stendhal face à une œuvre qui nous transforme.

Mon seul regret est de ne pas avoir ressenti le vertige à la lecture du récit. Le style de l’auteur ne convoque pas la sensation chez le lecteur et peut-être qu’il manque du corps au texte. Mais après tout, Toucher le vertige n’est pas un écrit à suspens ou un poème romantique. Comme l’a admis Arthur Lochmann, le récit de l’ascension n’était qu’un prétexte à sa réflexion. Mais qui sait ? peut-être qu’Arthur Lochmann m’a convaincue de me mettre à l’escalade…

 

Toucher le vertige, d’Arthur Lochmann, Flamarion Essai, 2021.