Une surprise totale
Vivre vite est un ouvrage que je n’aurais honnêtement pas ouvert si je n’avais pas remarqué le bandeau rouge du Goncourt de cette année, et ce n’est qu’après quelques hésitations que j’ai fini par me pencher sur le livre. N’étant pas un grand consommateur de littérature blanche ou d’autobiographie, c’est pour cette raison que je me suis intéressé à ce récit. N’avoir que peu d’expérience avec ce genre me paraissait être une bonne chose pour apprécier le roman tel quel et ne pas avoir trop d’a priori sur celui-ci. Je m’attendais néanmoins, à lire, après avoir consulté le résumé et parcouru rapidement le livre, un récit en stream of conciousness puisque ce dernier est découpé en « chapitres » qui reprennent divers moments de la vie de l’autrice. Je pensais que le roman allait être dirigé par fil de la pensée de l’autrice.
Mais, je me suis retrouvé agréablement surpris au fil de ma lecture en voyant que le livre était méthodiquement organisé, presque rangé. C’est à ce moment que j’ai compris à quel point Giraud avait pu travailler sur cet ouvrage, le temps qu’elle avait dû consacrer au tri de ses idées, ses regrets… L’idée d’enquête que le résumé suggérait m’avait beaucoup attiré et je dois avouer ne pas avoir été déçu par le cheminement détaillé de Vivre vite. La façon dont Giraud déploie son récit nous plonge au plus près de l’action, parfois presque assez pour avoir l’impression de voir la scène se jouer sous nos yeux.
À présent bien dans le passé
La seule crainte que j’avais en choisissant ce livre était l’émotion et le ton de l’auteure. Je craignais d’avoir affaire à un écrit plein de pathos, qui tenterait de faire revenir les morts à la vie, l’histoire de quelqu’un qui aurait justement vécu trop vite, qui n’aurait pas pris le temps d’absorber cet événement traumatisant. Il a été très satisfaisant de voir à quel point l’idée que j’avais de ce livre était erronée. En lisant les diverses revues de Vivre vite, je me suis aperçu que j’avais peur de lire le premier roman de Giraud qui traitait de ce sujet, je redoutais de lire À présent.
Mais ici, nous pouvons clairement voir que la lyonnaise n’est plus dans le deuil ou la douleur, elle n’est plus confrontée à la vie post traumatisme. Elle a eu le temps de laisser l’eau couler sous les ponts, son âme et son cœur ont pu s’apaiser. La seule chose qui reste aussi fugace est l’amour qu’elle porte pour son partenaire défunt. Vivre vite apparaît alors comme une ultime lettre d’amour, un hommage qui ne se perdra pas, la preuve formelle que l’on peut littéralement tourner la page et refermer une partie de son histoire pour faire son deuil, guérir. Un récit touchant d’humanité, dans laquelle l’intimité d’un couple infuse, où on se sent parfois de trop, à envahir un espace qui ne nous appartient pas.
Un prix bien justifié
Malgré les controverses et le fait que je n’ai pas eu l’occasion de lire Le mage du Kremlin, grand rival de Vivre vite, je pense malgré tout que Brigitte Giraud est loin d’avoir volé le prix Goncourt de cette année. Et même si la réception critique semble plus mitigée sur le sujet, je pense que la qualité d’écriture de l’autrice, la délicatesse avec laquelle elle nous touche pour nous faire vivre sa vie de couple, ne déméritent pas cette victoire. Vivre vite est un livre à mettre entre toutes les mains puisqu’il saura toucher ses lecteurs d’une façon ou d’une autre.
Il s’agit d’un magnifique livre qui prend jusqu’aux tripes et qui vous permettra sûrement de (re)voir à quel point la vie est belle, à quel point il est important de profiter de chaque instant et combien il faut chérir les moments avec les personnes qu’on aime. Car quoi que l’on fasse, peu importe le nombre de réalités alternatives qu’on pourra créer dans notre tête, rien de tout cela ne nous les ramènera quand elles seront parties, Giraud nous le fait pleinement comprendre avec sa plume.
Vivre vite de Brigitte Giraud, Flammarion, 2022
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