Crédit photo : Andreas Pein/laif/Redux pour History

« […] je veux continuer à vivre, même après ma mort ! » – Anne Frank, Journal

« N’oublie pas ». Voilà le mantra qui a poussé Lola Lafon à aller passer une nuit entière, le 18 août 2021, au sein de l’Annexe, le minuscule appartement ayant servi de cachette à un groupe de personnes comprenant la famille d’Anne Frank. Pourvue d’un talkie-walkie, d’une thermos et de Lexomil, et accompagnée par la seule présence de la petite médaille gravée du portrait de la jeune fille qui lui avait été offerte par sa grand-mère, l’auteure s’est enfoncée au sein de ce musée si particulier pour une nuit aussi unique qu’éprouvante.

Un devoir de mémoire personnel et collectif

Quand tu écouteras cette chanson est le résultat de cette plongée au cœur de l’Histoire. Un livre court mais percutant, dans lequel Lola Lafon mêle avec brio récits intimes et histoire mondiale. Dans ce septième ouvrage, paru le 17 août 2022 chez Stock éditions, dans la collection « Ma nuit au musée », l’auteure se livre comme jamais auparavant, utilisant la première personne du singulier pour entraîner ses lecteurs dans sa quête nocturne. Le récit est entrecoupé par les déambulations de Lola Lafon, et la nuit au sein de ce musée où planent le vide et l’absence, finit par se remplir d’interrogations et d’un besoin presque impératif : celui de comprendre l’histoire. L’histoire d’Anne Frank et de sa famille, d’une époque, d’un peuple et du monde entier, mais aussi et surtout l’histoire de l’auteure et de ses origines, juives elles aussi.

Le besoin de raconter les autres pour mieux se raconter soi-même

Lola Lafon s’interroge donc : dans le fond, qui était vraiment Anne Frank ? Laureen Nussbaum, l’une des dernières survivantes ayant connu la jeune fille lui répond : « Anne Frank désirait être lue, pas vénérée. […] Son Journal est l’œuvre d’une jeune fille victime d’un génocide, perpétré dans l’indifférence absolue de tous ceux qui savaient » (p.27). Pour l’auteure, il s’agit alors de réhabiliter la jeune fille, de rendre Anne Frank à Anne Frank, et de ne pas oublier ceux qui ont vécu la même situation. C’est un moyen d’évoquer la guerre et ses conséquences, peu importe l’époque, mais aussi la vie de ceux qui y survivent comme Otto Frank, le père de famille, unique rescapé des camps de la mort. Un moyen également de parler des générations suivantes et du rôle qu’elles occupent, entre la reconnaissance coupable d’être en vie et le lourd héritage du devoir de mémoire.

L’écriture, la langue et les paradoxes

Au fil de son livre, l’auteure insiste sur les différentes difficultés qui caractérisent la parole, qu’elle soit écrite ou bien orale. Comment parvenir à exprimer ce qu’il s’est passé quand la langue elle-même n’a pas les mots pour l’expliquer ? Lola Lafon se heurte aux barrières du langage, aux obstacles qui se dressent sur le chemin de l’écrit. Mais la nuit n’est pas éternelle : une fois lancée, l’auteure se doit de parvenir à franchir son objectif, celui d’écrire pour ne pas oublier tous ceux qui ne sont plus. C’est chose faite. Quand tu écouteras cette chanson s’adresse à tout le monde, comme un cri du passé venant transpercer le présent. Un rappel en somme. Douloureux mais surtout nécessaire.

 

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